Introduction

Depuis plusieurs mois, nous sommes incités, à travers les politiques locales (vignettes) et aides nationales, à changer de véhicule pour un modèle électrique, dit plus propre : moins polluant et moins émetteur de gaz à effet de serre. Actuellement en Europe, nous comptons quelques centaines de milliers de véhicules électriques, mais 6.5 millions sont projetés en 2030 et 15.7 millions en Chine à la même période. Ainsi, sommes-nous réellement certains de son impact bénéfique pour la planète et sur la santé, lorsque l’ensemble de la chaîne de valeur est pris en compte ?

Article rédigé dans le cadre de la thématique 
LES ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX DANS L’INDUSTRIE DU TRANSPORT

 

A. QUEL IMPACT ONT LES VÉHICULES EN CIRCULATION DANS LA VIE QUOTIDIENNE ?

Aujourd’hui, un véhicule thermique rejette 3 éléments :

– Du CO2 (dioxyde de carbone) qui a un impact sur le réchauffement climatique

– Du NOx (famille des oxydes d’azote)

– Des particules

 

 

Les VE sont bien plus performants en termes de rejet* :

– Du CO2: n’en rejettent pas

– Du NOx  : 72% d’émissions en moins

– Des particules: 92% d’émissions en moins

(*selon étude Cambridge Econometrics)

Peut-on alors claironner la victoire du modèle électrique ?

Ce n’est pas si évident, car il faut prendre en compte :

– Le cycle de vie du véhicule : sa construction avec celle de ses batteries et son recyclage

– La source de production d’énergie utilisée lors des nombreuses recharges.

La construction d’un VE et ses batteries demande 2 fois plus d’énergie, et produit donc 2 fois plus de CO2 que son homologue thermique, constituant un lourd handicap. Cependant, ce dernier est compensé assez rapidement (au bout de 20.000km en France) pour un petit VE (type Zoé).

Ainsi, et selon plusieurs conclusions d’études, les résultats peuvent être très disparates d’une région du monde à une autre, et d’un pays Européen à un autre en fonction de son mix production énergétique.

 

Exemples Pays Production mix énergétique (sources principales) Impact CO2 d’un VE léger (type Zoé) # de km pour compenser le CO2 utilisé pour sa fabrication
Chine 72% charbon

28% autre source

Légèrement plus faible vs véhicule diesel(1) 110.000km
Pologne 75% charbon

22% renouvelables

Légèrement plus faible vs véhicule diesel(1) 90.000km
Allemagne 41% renouvelables

24% charbon/lignite

18% gaz

45% de moins par rapport au diesel 30.000 km
France 70% nucléaire²

22% renouvelables

80% de moins par rapport au diesel 20.000 km
Suède 59% renouvelables

39% nucléaire²

85% de moins par rapport au diesel 18.000 km
(1) un véhicule diesel émet en moyenne 15 à 20% de moins de CO2 par rapport à un véhicule essence
(2) le nucléaire est considéré comme une énergie décarbonée, et le traitement des déchets radioactifs n’est pas pris en compte ici.

Ces conclusions sont vraies pour de petits véhicules électriques. L’impact CO2 des plus lourds type SUV est bien plus important et difficilement compensé du fait du poids des véhicules et de leurs batteries grosses consommatrices d’énergie.

 

B. ÉLÉMENT DIFFÉRENCIATEUR : QUE SONT LA PRODUCTION, LES MATÉRIAUX UTILISÉS ET LE SOURCING DES BATTERIES DES VÉHICULES ÉLECTRIQUES ?

1) Utilisation de « terres rares» :

Quésaco ? : 17 métaux essentiellement sourcés en Chine et impliquant des impacts sociaux et écologiques néfastes, même si la tendance tend à s’améliorer : fermeture de nombreuses mines illégales en Chine et ouverture de mines aux USA et Australie… (suite à la fin du dumping tarifaire chinois). Ainsi, le sourcing de terres rares en Chine est passé de 85% de la production mondiale en 2014 à 65% en 2019.

Quel impact pour les batteries des véhicules électriques ? Celles-ci ont déjà évolué pour limiter leur impact écologique néfaste. En effet, la première génération de batterie : NiMH (Nickel Métal Hydrure) qui équipait les premières hybride (Toyota Prius et Honda) contenaient une dizaine de kilos de lanthane (une des 17 « terres rares »). Cette technologie de batteries est aujourd’hui dépassée et remplacée par les batteries lithium-ion (Li-ion) aux performances plus élevées et ne consomment plus de terres rares.

Qu’en est-il des véhicules thermiques ? Ces-dernières, elles, ne peuvent pas se passer de terres rares pour leurs pots catalytiques, mais aussi pour le raffinage du pétrole. Ainsi l’impact écologique des carrières de terres rares en Chine n’est en rien imputable aux véhicules électriques, mais plutôt aux thermiques.

 

2) Utilisation du lithium, du cobalt et du nickel dans les batteries lithium-ion (Li-ion):

Ces minerais ne sont pas des « terres rares » mais posent des problèmes importants liés à leurs extractions.

Il faut rappeler que l’industrie minière est l’une des plus polluante au monde.

Minerais Pays producteurs Difficultés liées
Lithium Australie, Chili, Chine et Argentine Nécessite beaucoup d’eau pour l’extraire avec pour conséquence une pollution des eaux.

L’extraction du lithium dans les Salars en Argentine et en Atacama au Chili sont considérées comme des catastrophe écologique, impactant la faune, la flore et les peuples autochtones.

A titre d’exemple, la batterie d’une Renault Zoe peut contenir 8 kg de lithium, une Tesla 15 kg (contre 300 g pour un vélo électrique).

Cobalt Essentiellement la République démocratique du Congo (RDC) Elément le plus « problématique » et le plus cher.

Extrait avec du cuivre, du plomb, du cadmium, très polluant.

Moins abondant que les autres et production dépendante à plus de la moitié de la RDC (conflits armés, corruption).

Nombreuses mines artisanales exploitant des enfants les privant de scolarisation. Quatorze d’entre eux sont morts en 2019 et une plainte a été déposée par l’International Rights Advocates, à Washington, visant plusieurs entreprises dont Apple, Google et Tesla.

Conséquence : de nombreux constructeurs automobiles cherchent à réduire et même à éliminer le cobalt de leurs batteries : c’est le cas de Tesla avec son modèle 3 utilisant des batteries LFP (Lithium-Fer-Phosphore) du chinois CATL (à un coût inférieur de 30% par rapport aux Li-ion).

Nickel Indonésie, Philippines, Nouvelle-Calédonie (France) et Russie Mélangé à des métaux toxiques comme le chrome.

Tend à substituer le cobalt et le manganèse passant de 33% à 80% en quelques années dans les batteries.

Réserves mondiales (avec Australie et Brésil) estimées à un peu moins de 60 ans.

2/3 du nickel produit est utilisé pour les aciers inoxydables, et que 5% pour les batteries des VE ayant donc un faible impact.

Volonté de certains gouvernements d’attirer des investissements étrangers sur leurs sols en bloquant les exportations.

Conséquence : augmentation des prix et possibilité par des acteurs importants du marché de prendre le contrôle de certains approvisionnements.

Recyclage : Il est également intéressant de comprendre que ces minerais sont intégralement recyclés par plusieurs entreprises en France : Eurodieuze en Moselle, la SNAM dans le Rhône… créant ainsi un marché parallèle d’approvisionnement.

 

3) Utilisation de l’aluminium dans la fabrication des véhicules électriques :

L’aluminium a également un impact écologique néfaste car il est préféré aujourd’hui à l’acier (carrosserie, jantes…) du fait de son poids plus léger afin de compenser le poids des batteries. Son extraction consomme 3 fois plus d’énergie et requiert de mettre la bauxite en solution avec de la soude et est à l’origine de plusieurs catastrophe naturelles (Ajka en Hongrie : un millier d’hectares de sols et 10 millions de m3 d’eau ont été contaminés…).

 

C. QUELLES SONT LES RAISONS D’ESPÉRER ?

Celles-ci sont portées à la fois par de nombreux projets d’innovation afin d’améliorer la durée de vie et les capacités des futures générations de batteries, mais également l’évolution de leur cycle de vie qui devrait se localiser en Europe intra-muros.

– La société QuantumScape prépare une technologie de batterie révolutionnaire qui permettra des recharges extrêmement rapides (80% en 15 min), davantage de fiabilité et une plus longue durée de vie (800 cycles équivalent 380.000 km). Un projet solide, qui a reçu les éloges d’un co-fondateur de Tesla et décroché un partenariat avec Volkswagen pour fournir 20 GWh de batteries d’ici 2024-2025.

– Innolith (société suisse) annonce une batterie d’une autonomie de 1000km. Si le procédé proposé par Innolith s’annonce révolutionnaire, il faudra encore attendre quelques années. Objectif : valider l’ensemble du processus en vue d’un déploiement à grande échelle. Une étape qui devrait prendre entre deux et quatre ans.

– La batterie Métal-Air ,développée par EDF, est constituée de zinc, d’eau et de carbone, et utilise l’oxygène de l’air pour produire de l’électricité et de l’eau. Une batterie sans produits nocifs, totalement recyclable, à un faible coût (jusqu’à 5 à 10 fois moins chère que la technologie Lithium-ion). Cette innovation révolutionnaire (primée 2 fois lors des Trophées de la R&D 2014) pourrait bien bouleverser le rapport au véhicule électrique et au stockage de l’énergie.

– UE (26.01.2021) : feu vert pour un projet paneuropéen de batteries à 2,9 milliards d’euros visant à créer un centre de recherche et d’innovation dans le domaine des batteries. Le projet couvrira l’ensemble de la chaîne de valeur, de l’extraction des matières premières, la conception et la fabrication des piles et des blocs de batteries au recyclage et à l’élimination.

 

De plus, le mode d’utilisation de nos véhicules, ainsi que nos pratiques pourraient être révolutionnés dans les années à venir à travers des solutions d’autopartage de véhicules autonomes et connectés, même si ce modèle reste à être évalué car nous sommes grands consommateurs de composants électroniques et d’électricité… sans parler du risque de contrôle par les géants du numérique.

Conclusion

Nous comprenons que le véhicule électrique est en devenir et que les technologies associées aux batteries doivent évoluer pour devenir plus vertueuses. Une internalisation au niveau européen, du développement, de la fabrication, jusqu’au recyclage des VE sera une étape importante pour rendre ce moyen de locomotion bien plus propre que nos véhicules thermiques actuels. En parallèle, il nous faut réfléchir et comprendre qu’on ne peut PAS continuer à utiliser impunément les « matériaux de transition » impliquant des catastrophes écologiques ailleurs dans le monde (délocalisation de la pollution), afin de maintenir notre mode de vie en Europe et aux Etats-Unis. Si ce dernier était généralisé, il nous faudrait 3 à 5 planètesPar Olivier T., chef de projet achats industriels chez Go Concept

Sources :

https://reporterre.net/Non-la-voiture-electrique-n-est-pas-ecologique

https://www.challenges.fr/automobile/actu-auto/oui-la-petite-voiture-electrique-est-plus-ecologique-du-puits-a-la-roue_702698

https://particulier.edf.fr/fr/accueil/guide-energie/electricite/recyclage-batterie-voiture-electrique

https://www.automobile-propre.com/dossiers/les-batteries-et-lenjeu-des-terres-rares/

https://www.automobile-propre.com/la-batterie-quantumscape-va-t-elle-revolutionner-la-voiture-electrique/

https://www.automobile-propre.com/cobalt-et-nickel-une-penurie-mondiale-va-t-elle-freiner-lessor-de-la-voiture-electrique/

https://www.automobile-propre.com/recyclage-des-batteries-notre-visite-au-coeur-dune-usine-francaise/

https://www.agenceecofin.com/metaux/1801-84217-la-croissance-du-marche-des-vehicules-electriques-augmentera-le-prix-du-cobalt-et-du-lithium-en-2021

https://fr.statista.com/statistiques/570559/principaux-pays-producteurs-miniers-de-lithium-dans-le-monde/

http://www.avere-france.org/Site/Article/?article_id=7604&from_espace_adherent=0

https://www.latribune.fr/opinions/blogs/commodities-influence/batterie-de-voitures-electriques-ce-n-est-pas-encore-la-mort-du-nickel-840156.html

https://www.usinenouvelle.com/article/la-voiture-electrique-est-elle-vraiment-plus-vertueuse-que-les-vehicules-thermiques.N779299

https://www.alixpartners.com/media/15219/2020_04_25_alixpartners_auto_electrification_index_q12020_v02.pdf

https://www.lemondedelenergie.com/batteries-sodium-zinc/2020/11/05/

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